La recherche et l'expérience artistique du peintre ZEC appartiennent à ce domaine de l'art nommé géométrique, dont la caractéristique essentielle est de se distinguer dans sa capacité à représenter, à exprimer une adéquation entre le réel et l'idée. En se séparant du réel, cet art sort ainsi l'œuvre de sa condition traditionnelle du monde d'objet. Il présente une expérience née de la confrontation entre l'image et l'objet, entre l'idée et le réel. C'est cette confrontation qui marque le passage d'un art de la perception à un art de l'idée, d'une apparence extérieure à une structure interne d'une création complexe. En tournant le dos à toutes les pratiques conventionnelles, le peintre a dû trouver un autre cadre de référence pour créer des formes significatives. En refusant la référence au monde réel dans la création, l'artiste a été obligé de chercher à combler le vide dégagé par son projet, dans les formes atemporelles. Ce processus donnera naissance à un art qui saura déstabiliser les conventions par son intelligence, sa vigueur et son énergie créatrice peu égale à notre histoire.
Restant fidèle à cette tradition, le peintre ZEC a réalisé des tableaux qui permettent de distinguer un art tout à fait contemporain, mais qui, en même temps, sombre dans une ornementation de l'histoire. Héritier de la tradition de l'Empire byzantin et des icônes oubliées, aussi bien que de la pensée philosophique de l'Idée, ce peintre nous montre son œuvre en se présentant cette fois comme le chercheur de la forme de croix. Sur le chemin orthodoxe de ces tableaux, la croix est portée comme une image, une idée, issues des profondeurs.
Ce projet de la croix réalisé par le peintre ZEC s'inscrit dans le contexte d'une activité artistique qui se caractérise par une remise en cause fondamentale de la représentation descriptive. La relation entre le langage et la vision est menée par le seul moyen de l'objet qui est la croix. La transposition et, parfois, la destruction de la croix sur ces tableaux nous donnent une image fugitive des formes géométriques. Ce genre d'opérations donne naissance à l'objet même de la croix dont la découverte initiale est toujours présente malgré le fait que sa forme est constamment soumise aux nécessités intérieures des tableaux. Le sens et la teneur de cet objet-croix sont modifiés d'un tableau à un autre sans changer l'idée de la croix. Le déplacement du sens s'opère avant tout sur la destruction ou même sur l'abandon de la forme de croix réelle, ce qui n'empêche pas, en même temps, l'existence toute présente de l'idée de cet objet. La croix cesse d'être un objet d'invention purement plastique et, dans sa forme idéale, on découvre sa mission fondamentalement symbolique.
Sur ces tableaux, l'objet de la croix n'est pas seulement l'image, mais est aussi porteur d'une force allégorique qui justifie sa définition de symbole. Etant donné que ce symbole est investi par un système donné de croyance d'une signification qui le dépasse largement, cet objet-croix est censé véhiculer toutes sortes d'associations d'idées, allant du nommable à l'innommable. Dans l'œuvre de ZEC, la croix est destinée à ressusciter et renouveler la reconnaissance et la connaissance de soi. Cet objet-croix est un élément parmi d'autres mais, du fait qu'il appartienne à un système symbolique, il devient une totalité autonome. C'est là où s'arrête l'image et où commence une métaphysique de la croix.
La forme de la croix paraît au plus haut point étrangement inquiétante car elle se rattache à l'idée de la mort, mais la présentation de cette forme sur ces tableaux est poussée sur le terrain de l'amour illimité en soi, dans lequel domine la vie.
Maria Biljana RADOJCEVIC